Le Trek nouvelle génération
par Alice Prévot - gérante de Terra Andina Bolivie

 

Le trek est une notion relativement nouvelle pour moi, je ne suis pas nouvelle à la pratique mais plus au “monde du trekkeur”. Ayant grandi à Annecy, avec des parents, frère et sœurs, entourage férus de montagne, la “balade en montagne” dans les Alpes du Nord, du Sud, françaises, italiennes, était dans nos habitudes, pour les week-ends, pour les vacances… nuit en refuge ou sous tente. 

Je ne vais pas vous faire une session souvenirs d’enfance, mais je crois que ce qui en a donné son importance pour moi c’est le côté “rassembleur”, aujourd’hui encore, notre moyen de nous retrouver est de partir en montagne, et de passer quelques jours en refuge ou dans des petites auberges. Et on se retrouve finalement souvent à plusieurs, à partager des moments, à échanger dans cette atmosphère déconnectée, trop déconnectée de nos quotidiens.

Donc, si la notion de trek je l’ai utilisée vraiment pour la première fois lors de mon voyage en Amérique latine à mes 20 et quelques années en parcourant le Torres del Paine, le Salkantay et autres, les concepts de randonnée, de marche, de déconnexion itinérante en montagne et dans les grands espaces, je les ai bien ancrés.

Si on y pense un peu, la randonnée, cette itinérance à pied, ce sont d’abord les grandes migrations de population, Le grand trek pour l’indépendance de peuples du Cap en Afrique du sud a d’ailleurs donné son nom au trek. 

Ce sont les migrations saisonnières d’animaux et des peuples à la fois, avec les transhumances.

Ce sont les transports de marchandises, les caravanes de sel avec les dromadaires dans le Danakil en Ethiopie, les caravanes de lamas dans les Andes…

En Bolivie, c’était une façon d’ouvrir des voies commerciales favorisant les échanges de matières premières. Les habitants du Nord de la Bolivie traversaient toutes les Andes, une fois par an à la période sèche, afin d’aller extraire du sel dans le Salar d’Uyuni, que les centaines de lamas qui les accompagnaient, portaient ensuite tout au

long du voyage de retour. Ils s’arrêtaient de ville en village afin de troquer le sel contre des vivres : maïs, pomme de terre, céréales.

Ces transhumances étaient pour ces populations un rituel très important car elles permettaient de mettre en contact des personnes de villages très isolés, partageant ainsi leurs cultures, leurs coutumes, et leurs vivres. Le premier voyage en caravane jusqu’au Salar représentait aussi pour les jeunes un véritable rite de passage à l’âge adulte, mettant à l’épreuve leur résistance physique, et les obligeant à créer leur propre réseau de connaissances pour troquer. La recherche de l’autre, la rencontre, l’échange étaient centraux.


Puis la randonnée s’est organisée, les sentiers balisés se sont ouverts, la pratique du trek au Népal s’est officialisée dans les années 50, puis elle s'est ouverte aux touristes, et les treks se sont démocratisés dans les années 70. Toujours plus long, toujours plus loin, toujours plus haut… plus de limites, le champ des possibles s’est ouvert.

J’arrive moi, il y a deux ans chez Terra Bolivia, rêves d’andinisme dans la tête, je m’ouvre mes propres champs des possibles, la Cordillère des Andes à ma porte et un job qui me permet de vivre de ça. C’est grisant, c’est enthousiasmant, c’est exaltant. 


Terra Bolivia s’est construit autour du trek et de la grande aventure. Mes prédécesseurs ont guidé le pas, en forgeant notre expérience autour de grandes expéditions et de grands projets: une mission de glaciologie sur l’Ancohuma, des tournages TV, la rédaction du guide du routard, l’écriture d’un numéro spécial de trek mag (2001), l’écriture d’un livre sur les sommets des Andes publié aux éditions Glénat. 

Mais aussi, en réinventant la caravane de lamas dans le sud Lipez, en accompagnant chaque année depuis plus de 20 ans des ascensions à plus de 6000m, des transcordillères, en collaborant étroitement avec l'Ifremont pour la gestion et le rapatriement MAM…

Je suis entre de bonnes mains… et nos voyageurs aussi !

Mais je fais tout de même le constat, en côtoyant ce milieu, en le vivant, qu’on avait peut-être perdu l’essence de la randonnée… quel en est le sens? Qu’y a-t-il au-delà de la performance, du dépassement de soi, de cette collection d’exploits sportifs? De ce toujours plus long, toujours plus loin, toujours plus haut ?

N’a-t-on pas perdu cette altérité, qui était dans nos caravanes d’antan, et dans mes balades en montagne dans les Alpes?

Je ne vais pas partir dans une réflexion sur ma quête de sens de la trentaine, mais toucher du doigt la notion de transition que j’explore. Transition vers une vie plus simple, plus sobre, moins consommatrice de ressources, plus en phase avec ce qui nous environne, et plus en phase avec l’autre, les autres. Transition d’un voyage à la recherche du toujours plus, de la photo parfaite, du “on coche la case des lieux populaires”, vers un voyage de connexion, d’apprentissage.


Alors voilà, c’est avec cette mission d’allier trekking et transition, marche et rencontres, effort et découverte de l’autre, sentiers de randonnée et quête d’exploration, que je monte une collection de circuits de treks, le trek de demain, le trek 2.0, le trek en terre de Serendip, le trek en quête d’inattendu… le nom est encore à définir (je fais appel à vos idées, construisons ensemble cette collection trek altérité).


Pour introduire cette collection de trek, je vais citer mon prédécesseur chez Terra Bolivia Fabrice Pawlak, dans son livre Sommets incas (1): 


“De manière volontairement provocante, nous dirons que l’escalade d’un sommet dans les Alpes, en Himalaya ou dans les Andes est assez semblable: la neige est la même, l’effort est comparable, le confort des bivouacs est tout aussi précaire, et les difficultés se ressemblent (mal d’altitude, effort physique, peur). Si nos souvenirs diffèrent tant d’un sommet à l’autre, c’est que nous y associons la marche d’approche, les rencontres, les menus, les anecdotes, les quelques mots locaux que nous y avons échangés avec un porteur, les galères ou les grandes joies, les villages traversés, le moment passé avec ce paysan qui nous a renseignés, ou offert un maté de coca trop bouillant à la descente.”


Voici donc mon projet: 

Sortons du « trek à papa », à la recherche du dénivelé et de la performance. Nous souhaitons vous raconter l’histoire d’un pays, d’une région, d’un massif par un voyage à pied à la rencontre de ses habitants, avec l’ambition de ressentir et de comprendre des territoires uniques.


Nos treks, ce sont les récits d’un peuple et des montagnes. Nos guides ce sont les locaux, qui nous mènent dans l’exploration de leur quotidien et leur territoire. Nous partons en quête d’un ailleurs, de l’autre, de l’échange et en quête de soi. 


Nous partons pour une aventure, en quête d’inattendu. "Le commandant Cousteau a déclaré(...) que les phénomènes qu'il étudiait impliquaient la curiosité et l'aventure. Il a ajouté : "Si j'avais su ce que j'allais chercher, je n'y serais pas allé". (...) La sérendipité accompagne le parcours d'une vie. Elle est en soi une orientation"(2). Nous nous laissons guider dans notre trek par sérendipité.


En nous déplaçant en transports partagés, en vivant chez l'habitant, en partageant des instants de leur quotidien, en prenant le temps de l'échange et du respect du rythme de vie, des saisons, nous nous ouvrons à un voyage plus sobre, à une vie plus simple, centrée sur la Terre et le besoin de repenser notre environnement. Nous croisons le chemin de Pierre Rabhi et de sa sobriété heureuse (3). Nous creusons la transition écologique par nos randonnées d’exploration.


Chaque trek raconte une histoire par une rencontre avec un territoire, et un partage avec ses habitants. Cette histoire sera le fil rouge du voyage que l’on déroulera tout au long du chemin.


Des treks pour prendre le temps, d’être en rythme avec ce qui nous environne, pas seulement pour l’effort physique. 

Des treks pour la rencontre, l’échange, le partage du quotidien, pour valoriser la culture, le territoire et proposer des expériences.

Des treks tels Une caravane de mules en Bolivie, Les chemins de la cosmovision andine au Pérou, Des rencontres sur l'avenue des volcans en Equateur, dans le Lesotho en Afrique du Sud, sur La route des émotions dans le nord du Brésil …. et bien d’autres que nous pouvons construire ensemble...


BIBLIOGRAPHIE

(1)Sommets Incas, Les plus belles courses des Andes. Patrick Wagnon, Fabrice Pawlak

https://www.glenat.com/montagne-randonnee/sommets-incas-9782723446259

(2) C'est quoi la Sérendipité ? 80 découvertes dues au hasard …, Danièle Bourcier, Pek van Andel

(3) Vers la sobriété heureuse, Pierre Rabhi

https://www.actes-sud.fr/catalogue/economie/vers-la-sobriete-heureuse


LES CIRCUITS

Afrique du Sud: Traversée du Lesotho: Rencontres naturelles et sauvages

Bolivie: Caravane Andine: Traversée des Andes au rythme des mules de l'Altiplano

Brésil: La route des émotions

Equateur: En quête de rencontres sur l'Avenue des volcans

Pérou: Traversée du Qhapaq Ñan : sur les chemins de la cosmovision andine


Alice Prevot - Terra Bolivia
Mail : alice.prevot@terra-group.com
J'ai grandi dans les Alpes, à Annecy, j'aime la montagne, l'aventure, les nouvelles découvertes, être bien entourée et faire de belles rencontres. Suède, Bruxelles, Milan, Londres… C’est après avoir parcouru l’Europe en travaillant et l’Amérique Latine avec mon sac à dos que j’ai trouvé mon bonheur en Bolivie ! Nature, authenticité et inattendu ... Voilà ce qui fait le charme et la magie du pays et des boliviens.


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