Akken est une jeune société nantaise, créée en janvier 2017, qui a fait du media sonore son terrain de jeu et de prédilection. Elle a été fondée par Laurence Giuliani et Philippe Lechat. Voici pour les faits, opérons tout de suite un rapide retour en arrière, parce que la genèse d'Akken n'a rien d'anodin dans ce que sont actuellement ses valeurs, sa couleur et sa ligne éditoriale.
Courant 2016, Pascaline Marot et Grégoire Gorbatchevsky, co-directeurs artistiques de la Compagnie Digital Samovar, rappellent Laurence Giuliani, leur ancienne administratrice de production. Elle avait, quelques années plus tôt, accompagné la création de SonoPluie, balade sonore sous parapluie.
Cette forme éphémère avait tourné dans une dizaine de lieux en France, et de plus en plus d'opérateurs, conscients de l'impact touristique qu'une telle proposition pouvait générer sur leurs territoires, sollicitaient la Compagnie pour pérenniser le dispositif.
C'est ainsi que Laurence Giuliani, devenue entre-temps Directrice de l'Office de Tourisme du Créonnais (Entre-deux-Mers, Gironde), leur propose d'expérimenter cette mutation d'un projet artistique en une offre touristique, en situation réelle, à l'échelle 1.
Tellement enthousiasmée par l'opportunité d'instiller l'artistique dans le touristique, elle s'installera à Nantes pour y retrouver la Compagnie, et co-fondera Akken avec Philippe Lechat, qui sera en charge de la partie technique et développera les objets connectés qui encapsulent les contenus géolocalisés.
Voici pour la petite histoire, qui raconte bien comment dès le départ, le parti pris artistique est au cœur des expériences proposées par Akken.
Expérience, vous avez dit expérience ? Certes, l'expression commence à être sérieusement galvaudée à force d'être utilisée à tort et à travers, mais enfin, comment définir autrement une balade sonore à laquelle vous accéderez en vous promenant sous un parapluie géolocalisé, et comment nommer ces moments que vous passerez, dans un office de tourisme, confortablement installé sur un fauteuil qui sous la caresse de votre main vous ouvrira la porte de paysages sonores ?
Des expériences sonores immersives
Akken déploie depuis 2017 des balades sonores en parapluie ou ombrelle connecté.e, pour des Offices de Tourisme, des lieux patrimoniaux ouverts au public, des espaces naturels...
Le concept en quelques mots
Une balade dure environ une heure trente, pendant laquelle le visiteur va découvrir un lieu, un territoire, sous son ombrelle géolocalisée, casque sur les oreilles. Il va entendre un tissage de témoignages et d'ambiances musicales, sonores et paysagères, qui entreront en correspondance avec son environnement direct. Il est guidé par une « voix intérieure » qui parle à la première personne, il n'a pas de carte, son smartphone est bien rangé dans son sac puisqu'il n'en a aucune utilité. Il peut se laisser aller à cette dérive, se déconnecter pour mieux se reconnecter à lui-même et à ce qui l'entoure.
Des objets du quotidien détournés
Le parapluie, ou l'ombrelle, agit comme un cocon, comme un petit toit portatif, qui protège le visiteur de la pluie ou du soleil. C'est aussi son antenne, qui le guide.
Détourner l'objet du quotidien pour en faire un compagnon de visite est le moyen qu'Akken a choisi d'utiliser pour deux raisons : la première, c'est l'idée de proposer des expériences accessibles vraiment à tous, que ce soit en termes de territoires (pas de problématique de wifi ou de 4G, il y a des satellites absolument partout), ou que ce soit en termes de clientèles finales, dont la désaffection pour les applications mobiles n'est plus à démontrer. Au delà de cette envie de « digital détox », on peut constater que tout le monde n'est pas équipé d'un smartphone, que des personnes sont encore peu à l'aise avec la technologie. Le parapluie, ou l'ombrelle, encapsule toute l'électronique et toute la couche logicielle nécessaire, sans que le visiteur n'ait aucune interaction matérielle à fournir, outre le réglage du volume pour son confort. Nous avons coutume de scander ce slogan « Des projets hyper-connectés au service de la déconnexion ! ».
Donner la parole aux habitants
L'envie est de faire parler les habitants, les usagers, les habitués d'un lieu, pour créer une connivence, une proximité entre les visiteurs et les visités. Ce sont des anciens, souvent, mais aussi des enfants, des ados, qui surprennent par leur vision neuve, candide, parfois très adulte qui nous bouscule ; ce sont des personnes qui vivent là depuis toujours mais aussi de nouveaux habitants qui ont un tout autre rapport avec le lieu, le territoire ; c'est la diversité des points de vue, et des regards.
L'enjeu est de révéler l'invisible, la part sensible et intime d'un territoire, en passant par le récit, l'anecdote, le souvenir, le ressenti, l'émotion.
C'est aussi, pour les Offices de tourisme, une manière d'inclure les locaux dans la stratégie de la destination, d'en faire de véritables acteurs, et au delà de véritables ambassadeurs, car ce qui ressort systématiquement des interviews, c'est bien la fierté, l'attachement que les habitants portent pour leur territoire. C'est une constante absolue, que ce soit en Gironde, sur le front de mer normand, dans les Hautes-Pyrénées...
Un projet de territoire, une méthode de co-construction
La presque totalité de la création se fait sur place, sous forme de résidences sur le lieu-même de la balade.
Le moment fondateur est une réunion créative animée par les auteurs, avec l'équipe de l'office de tourisme. Ce temps partagé va faire émerger les grandes thématiques, et qui participe de l'appropriation du projet dès l'amont, pour en faire un véritable projet collectif.
Puis les interviews sont menées, non pas sous une forme journalistique ou documentaire, mais plutôt avec un prisme sensible voire quasi ethnographique. C'est un travail de recueil minutieux et très précieux, par lequel les artistes nous prêtent leurs yeux et leurs oreilles pour entendre le monde un peu différemment. Ce fameux pas de côté...
S'ensuivront le dérushage et le montage, et l'ajustement des pistes en fonction de l'itinéraire de la balade, dont le choix est guidé par l'intuitivité du cheminement, l'envie de porter le regard sur des détails qui révèlent la couleur et l'histoire du lieu.
Enfin, le temps de l'inauguration sera le moment de « boucler la boucle », en réunissant les auteurs, les personnes interviewées et les élus, pour partager ensemble la découverte de ce projet au long au cours.
La balade sonore sera dès lors mise à disposition du public pendant trois ans par l'Office de tourisme.
Le média sonore, un cinéma pour les oreilles
Où l'on apprend que King Kong, lors de son premier screen test, avait laissé les spectateurs de marbre. La production fait alors appel à un compositeur et un habilleur sonore, qui vont donner du corps et de l'épaisseur à la dramaturgie du film, qui vont créer une signature sonore qui marquera chaque apparition du grand singe : le succès est total, les spectateurs rentrent complètement dans l'histoire et vibrent au diapason de l'intrigue.
Ce que ce média a de fascinant, c'est sa capacité à faire fonctionner l'imaginaire : c'est une véritable forme de liberté laissée au visiteur, qui va générer ses propres images mentales, sans qu'on lui en impose au préalable.
A un moment où l'image, le visuel envahissent l'espace public, et prennent le pas sur les autres sens, invoquer le son est un acte qui cherche à renouer avec l'intime.
Parler au creux de l'oreille des visiteurs, c'est ce que les balades sous casque permettent.
Laurence Giuliani - Akken
Mail : laurence@akken.fr
Laurence Giuliani dirige Akken, agence de production sonore pour les destinations touristiques et les lieux de culture. Anciennement responsable d'un Office de Tourisme en milieu néo-rural (ou péri-urbain, comme vous voulez), manager d'artistes, productrice en label indépendant, Laurence cultive la curiosité comme carburant du quotidien. Ses marottes : le son, le tourisme culturel et le "komorebi", cette lumière qui filtre entre les arbres, comme des fêlures de timidité entre les cimes.